Susciter l'envie d'apprendre

Arnaud Constancias a imaginé deux jeux pour Souriez Vous Jouez : ABSTRAIT et STREET ART. Dans cet échange, il nous partage son utilisation du jeu dans ses accompagnements et la place qu’y occupe le format « photolangage ». Réponses concrètes garanties avec des exemples d’animations qui marchent !
Propos recueillis par Anne Josse

interview d'Arnaud Constancias pour Souriez Vous Jouez

1. Arnaud, peux-tu te présenter en quelques mots ? Interview Anne Josse
Mon métier c’est l’accompagnement sous différentes formes : la formation, principalement en management collaboratif et créatif ; le coaching individuel et collectif ; la supervision de coachs et de dirigeants. Je suis également créateur de jeux. J’ai conçu plusieurs photolangages et cocréé d’autres jeux de cartes comme « Le jeu des archétypes » et « le jeu des intelligences ». Je suis également auteur de plusieurs ouvrages. 

2. Comment conçoit on un jeu pour Souriez Vous Jouez ?

Avec Anna Edery et Manuel de Sousa, je fais partie de l’équipe fondatrice de Souiez Vous Jouez. La boutique propose des jeux de qualité à cette grande famille des professionnels de l’accompagnement à laquelle nous appartenons nous-mêmes. Les jeux proviennent d’auteurs et d’éditeurs différents, ce qui rend l’offre très riche.

Parmi eux, certains sont conçus et édités par « Souriez Vous Jouez ». Nous concevons les jeux à plusieurs ou seuls. Mais en vérité le processus de création n’est jamais isolé ! Même s’il n’y a qu’un seul auteur (souvent celui qui a eu l’idée du jeu), le travail se répartit à plusieurs entre la conception, la création, la production et la diffusion. Le regard de l’équipe est très important pour interroger la pertinence d’une idée, savoir si le jeu a sa place parmi les autres, comprendre ce qu’il apporte de nouveau. L’équipe donne aussi son avis sur la première proposition. Elle peut apporter des ajustements, par exemple sur le choix d’une image ou la modification d’un texte.

3. C’est un processus de création qui prend beaucoup de temps ?
Cela dépend du jeu. Il a fallu un an pour créer « Le Jeu des Archétype » avec Manuel de Sousa et Gilles Dufour livret qui accompagne le jeu comporte 90 pages d’explications sur l’inspiration Jungienne qui est à l’origine du projet, des pistes d’utilisation, un mode opératoire... Il fallait aussi sélectionner les figures archétypales, choisir des images percutantes, concevoir la boite pour un écrin de qualité. En y repensant, Le jeu des Archétypes est celui qui a nécessité le plus de temps.

4. Une de tes citations préférées est de Francis Scott Fitzgerald : « À dix huit ans, nos convictions sont des collines d’où nous regardons, à quarante-cinq ans ce sont des caves où nous nous cachons. » Le jeu permet il de sortir de nos caves ?

La citation montre à quel point nos convictions et nos principes sont des moteurs à un moment de notre vie ; à quel point nous sommes prêts à les défendre sur des barricades à 18 ans, et comment la vie nous apprend à les réinterroger. Un événement, un coaching, une expérience professionnelle, une rencontre, nous amènent à prendre conscience de nos autolimitations et à entrevoir la possibilité de s’en libérer. L’amour est un bon levier pour nous aider à changer. Par amour, on est prêt à accepter des principes différents, une autre façon de voir les choses, à renoncer à mettre les couteaux vers le haut dans le lave-vaisselle pour les mettre vers le bas ! Le jeu aussi nous amène à évoluer et à faire bouger nos représentations en décalant notre point de vue.

Je pense à un jeu connu des formateurs : le jeu du tribunal. Autour d’un sujet polémique, deux groupes sont constitués. Chacun prépare ses arguments. Vient ensuite le moment de la « battle ». Et au milieu du jeu, on inverse les rôles ! Les participants doivent défendre les idées de la partie adverse. Les opposants se surprennent à exprimer avec autant de virulence et de conviction les arguments qu’ils condamnaient quelques minutes auparavant ! Cela permet de relativiser les a priori. Chacun s’ouvre aux arguments de l’autre et prend conscience de l’importance de sortir de ses représentations et de son cadre.

5. Intègres-tu systématiquement le jeu dans tes accompagnements ?
Dans les formations, je le fais systématiquement. Mon expérience concrète et récente me fait dire que le jeu crée l’enthousiasme et l’envie. L’envie d’apprendre est aussi important que le fait d’apprendre. Et sincèrement, je connais très peu de gens qui n’aiment pas jouer. Le jeu est un formidable accélérateur d’apprentissage.
6. Tu peux nous donner quelques exemples ?
Commencer une session de formation par un photolangage, avec les stagiaires qui se lèvent, manipulent des cartes, se concertent, instaure immédiatement une énergie positive. La cohésion d’équipe se fait, et l’ambiance de travail est différente. C’est un super outil pour mettre en action et instaurer un processus d’élaboration collectif.

Tu peux utiliser le jeu à d’autres moments de ton animation. Lors d’une piqûre de rappel par exemple. Un client m’a un jour demandé de faire un rappel auprès des participants sur une formation en management. Plusieurs équipes devaient remplir des enveloppes de « situations managériales » avec des petits cartons comprenant leurs propositions d’outils et méthodes adéquats. Crois-moi, ils se sont bien plus amusés que si je leur avais demandé de remplir un questionnaire ! En réalité, le jeu s’invite partout et accompagne chaque situation et chaque temps de la formation. Le temps de la rencontre, le temps de la réflexion, le temps de l’ancrage

Je pense à un jeu que j’ai animé pour des managers sur le thème de l’écoute. Des trios sont constitués. Une personne pose des questions à un collègue sur « le voyage idéal ». Pendant ce temps, un observateur prend des notes durant les 5 minutes de durée du dialogue qui se noue. Vient ensuite le temps du débriefing : qualité du questionnement, introduction, conclusion, questions manquantes…chacun donne son ressenti. Et d’abord, l’interviewer lui-même ! L’objectif est la prise de conscience par l’effet miroir, de nos comportements. Le débriefing est à la fois collectif et réflexif.

7. Avec Manuel de Sousa et Anna Edery, vous avez créé Souriez Vous Managez il y a 6 ans. Comment vous est venue l’idée de la boutique Souriez Vous Jouez ?

L’idée d’une boutique « Souriez vous jouez » s’est imposée progressivement. Nous avons commencé par créer des jeux commercialisés par d’autres que nous. Et comme nous nous sommes piqués à la création, nous nous sommes dit : pourquoi ne pas les éditer nous-mêmes ! Cela nous donnait une totale liberté éditoriale. Manuel de Sousa a été le moteur de ce projet. Je ne crois pas le trahir en disant que la dimension concrète de la boutique avec la partie fabrication de jeux comme objets à voir et à manipuler était particulièrement importante pour lui.

8. Tu utilises des jeux ; tu en conçois également. Récemment, tu as créé deux jeux de photolangage®️ d’inspiration artistique (ABSTRAIT et STREET ART). Pourquoi avoir choisi ces thèmes ?

Je suis entouré d’artistes et d’art. Mon épouse est pianiste, mon fils est comédien, je suis moi-même chanteur dans une chorale. La fibre artistique, c’est de famille ! Et puis, j’ai toujours aimé l’art pictural. Paris, où je vis, est certes parfois compliqué à vivre mais cette ville facilite l’accès à l’Art. Mon quartier est truffé de galeries et je me rends chaque semaine à des expositions.

Le jeu de photolangage ABSTRAIT ne présente pas à proprement parler des œuvres abstraites mais donne à voir des images qui par leur composition deviennent des tableaux abstraits. L’abstrait est un appel à l’imaginaire et à l’interprétation. Quant au thème du STREET ART, je l’ai choisi pour la diversité de ses créations et pour son aspect novateur. Chaque nouveau support modifie la conception de l’art et ouvre des mondes de créativité renouvelée. C’est le cas du Street Art qui se livre non pas dans un cadre doré comme les peintures du 18e siècle, mais dans un cadre urbain en trois dimensions. J’aime aussi la liberté d’expression liée à cet art et qui le rend si singulier, si stimulant.

J’ai eu l’occasion d’utiliser ce jeu dans des environnements qui auraient pu être réfractaires à ce style d’art. Mais cela n’a en fait créé aucun problème. Ma première expérience avec ce jeu a été… un non-événement ! En fait, en matière de photolangage, le thème est un prétexte. Je n’ai eu aucunes questions ou réactions sur le choix de ce thème et des visuels proposés !

photolangage street art souriez vous jouez
9. Si le thème est un prétexte pourquoi en avoir plusieurs ? Pourquoi créer autant de photolangages sur des thèmes si différents ?

C’est une source d’inspiration renouvelée pour l’animateur comme pour les participants. Utiliser toujours le même jeu et les mêmes visuels peut vite être lassant. Et puis, en fonction de la situation, l’environnement et le contexte de l’animation, le choix d’un thème peut se révéler plus pertinent.

Street art peut être intentionnellement utilisé pour s’adapter à un public jeune, mais tout aussi bien pour créer la surprise auprès d’un public que l’on souhaite bousculer un peu !

Selon les animations, il est aussi possible de mélanger les jeux, pour construire un scénario mixant différents thèmes de photolangage.

A chaque fois que nous créons un photolangage, nous nous posons la question du besoin de renouvellement pour nos utilisateurs et de sa singularité dans la famille des photolangages. Street Art s’est imposé dans son originalité. C’est tout un monde à explorer.

10. Qu’est-ce qui, selon toi, rend le photolangage si populaire ?
D’abord son extrême facilité d’utilisation. Ensuite la multiplicité des utilisations : présentation de soi, diagnostic de situation ou d’équipe, représentation d’un problème, projection, vision de l’avenir, miroir des ressentis... L’image permet de parler de manière plus intime et plus profonde. C’est un outil magique !

Je me souviens d’une utilisation particulière : il s’agissait pour les nouveaux managers d’une grande entreprise d’intégrer les quatre grands principes managériaux de cette dernière. J’ai proposé un photomontage : je les ai invités à illustrer ces prinicipes sur des paperboards avec des images issues de plusieurs de nos jeux de photolangage (Human, Feelin, Street art…) et de rajouter des dessins ou des textes à leur convenance. Ils ont fait des œuvres magnifiques qu’ils ont photographiées et conservées. Ils étaient tout fiers d’eux !

Les auteurs ont écouté l’interprétation qu’en faisaient les autres groupes, s’en étonnant souvent et ensuite prenaient la parole pour argumenter leurs choix. Un grand moment !

11. Le jeu que tu aurais aimé inventer ?
Le scrabble. Il est simple et a un succès planétaire. Il me plait aussi par son principe même qui consiste à jouer avec les mots et les lettres.

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Arnaud Constancias est auteur et coauteur de :

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