Le jeu au service du design par Carole Laimay

Carole Laimay s’intéresse à la place de l’humain dans l’écosystème et tout processus de changement. Spécialisée dans l’approche design des organisations, des systèmes, des outils et des services, elle voit dans le jeu une formidable opportunité pour nourrir la réflexion collective et aller plus loin dans la recherche de solutions efficaces. Toujours prête à partager ses découvertes et ses outils d’animation, elle a naturellement accepté à cette interview pour Souriez Vous Jouez.

Interview Anne Josse

 

interview Carole Laimay

1. Carole, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je facilite le quotidien des gens et aide les organisations à affronter certaines situations par l’échange et la cohésion. Qu’il s’agisse d’une startup, d’un grand groupe, d’un service public ou d’une association, l’approche DESIGN est de plus en plus adoptée. Comment repenser un service, une offre, un site internet ? Récemment, une association m’a contactée pour revoir sa manière de concevoir ses événements. 

2. La notion de DESIGN est souvent mal comprise, tu nous en dis plus ? 

Prenons le cas de cette association que je viens d’évoquer. Il s’agissait de repenser leur approche de l’événementiel. J’ai animé des ateliers collaboratifs pour que l’équipe réfléchisse à la meilleure manière de concevoir ses événements, en partant des publics visés et de ce qu’ils avaient envie de vivre. Le DESIGN, c’est une conception concentrée sur l’utilisateur. C’est une méthode qui repose sur l’immersion pour mieux identifier les problématiques et être en capacité de les résoudre.  Un autre aspect important de l’approche DESIGN est le prototypage. On crée, on teste et ce sont les retours d’expérience qui valident ou invalident les options choisies. Pour cela plusieurs allers-retours sont nécessaires, pour, étape par étape, affiner. La méthode est donc itérative. Les organisations les plus matures en matière de Design ont compris qu’elle nécessitait plus de temps qu’une solution « clef en main ». Le facteur temps est déterminant.

De plus en plus d’entreprises s’intéressent au Design : je suis là pour les accompagner en les aidant à monter en compétence sur ce sujet et à ne pas perdre de vue les utilisateurs. Regarde ce qui s’est passé avec le RGPD. Ce règlement de 2018 est censé servir les internautes mais on voit bien que la protection des données se fait au détriment de l’expérience utilisateurs ! Les entreprises sont face à un défi : concilier design et enjeux économiques, déontologiques, éthiques et écologiques tout en veillant à leur image !

3. On sait que la course au RSE peut conduire au « green washing » !

C’est tout à fait juste. Mais bon, il faut aussi relativiser. Si les entreprises font des choses dans le bon sens en matière d’écologie, on ne va pas leur en faire le reproche ! Agir est essentiel, même si cela fait apparaître quelques contradictions…J’ai en tête une publicité pour une voiture mettant en scène un homme ramassant les tortues sur la plage…grâce à son SUV…Plutôt étrange cette association… Le meilleur moyen de limiter les contradictions est de voir en 360. Voir plus grand que l’action pour intégrer les interactions ; voir plus grand que l’entreprise pour penser au niveau planétaire. C’est le meilleur moyen pour veiller à l’équilibre. Inciter à laver les couches plutôt que de les jeter peut en soi, sembler héroïque. Mais il faut penser aux répercussions sur le travail de la femme. Ne va-t-elle pas devenir esclave d’une décision tout à fait louable d’un point de vue écologique ? La question mérite d’être posée.  

4. Nous avons consacré le début de cette interview à l’approche design, mais ton champ d’intervention est plus vaste...

Bien travailler ensemble pour être plus efficace constitue le fil rouge de la plupart de mes interventions. En développant notre qualité d’écoute, nous gagnons énormément de temps. Et gagner du temps engendre une économie de ressources humaines et de technologies, profitable à l’écologie ! J’identifie trois grands défis pour les entreprises et les managers aujourd’hui : mettre plus d’humain, d’écologie et de paisible dans nos vies. Pour y parvenir, je mise sur l’inclusion. Travailler en atelier permet de mettre tout le monde au même niveau et de donner la parole à chacun et à chacune. J’ai animé récemment un atelier avec des personnes en situation de handicap. Dans chaque groupe, je me suis assurée de la mixité de profils et de la possibilité pour tous de participer, avec leurs propres moyens et envies. C’est pour moi cela l’équité que je distingue de la notion d’égalité.

5. Un exemple concret à partager ?

Je pense à un prototypage de sac. Pour assurer l’équité dans une approche inclusive, j’ai pensé à des activités manuelles, d’autres plus conceptuelles. Une personne qui ne voulait pas découper et créer avait la possibilité de prendre part au projet dans la réflexion ou encore dans la présentation orale. Inclure, c’est avant tout ne pas exclure. 

6. Comment intègres-tu le jeu dans ton accompagnement ? 

Le jeu est systématiquement intégré dans le design de mes formations

Ce qui m’intéresse avant tout, c’est l’approche ludique. Il n'est pas nécessaire de « gamifier » de bout en bout ! Mais aborder un problème en s’amusant permet de se lâcher un peu plus, d’être moins dans le cartésien et de travailler dans la bonne humeur. J’aime le jeu car il permet d’aller plus loin, de creuser plus profondément. Les échanges sont plus riches. Le jeu est une sorte de détour qui invite à envisager les choses sous un autre angle, à parler autrement.

Je vais te donner un exemple concret. Au lieu d’un tour de table classique, prends un jeu de cartes DIXIT et demande à chacun de choisir une carte pour décrire son ressenti sur un projet. La personne aura plus de facilité à s’exprimer sur un projet que sur elle-même ! En même temps, nous allons apprendre beaucoup d’elle à travers ses réticences, ses craintes, son enthousiasme ou son questionnement. Le jeu est un formidable terrain d’exploration et de découvertes.

7. Tu as cité un jeu de cartes, as-tu d’autres exemples ?

Je me sers beaucoup des jeux proposés par Souriez Vous Jouez. Je pense notamment à Feeling cartes et Valeurs ajoutées, que je trouve multifonctionnels !

Mais jouer peut aussi consister à remplir ou à compléter une image ensemble ! J’aime bien le jeu du SPEED BOAT. Il s’agit de remplir la voile, symbole de l’énergie du vent qui propulse, avec des mots positifs. Tous les freins identifiés constituent l’ENCRE. L’important est de sortir du format scolaire et d’opter pour plus de fantaisie.

Ma première inspiration : les autres. Toujours en veille, j’écoute beaucoup les réseaux sociaux où les expériences se partagent. J’aime aussi flâner dans le rayon jeux des boutiques : la plupart des jeux que j’utilise sont des jeux grand public détournés. Plus inattendu peut-être, les campagnes de financements participatifs type ULULE. Les jeux « il était une solution” et « les gamifi’cartes » ont commencé par des appels à contribution. Je guette les campagnes et découvre des super jeux.

Je détourne beaucoup de jeux. Je me les approprie. J’adore le jeu IMAGINE que l'on utilise avec Antoine Blanchard lors de nos événements Ludikoboulo. C’est un jeu de cartes transparentes que l’on peut superposer pour raconter des histoires.

8. Tu es très créative et partages volontiers tes découvertes sur ton site internet et sur les réseaux sociaux

Sur mon site, je mets gratuitement des "canvas" à disposition des internautes. L’intérêt du canva, en plus de son côté ludique, est qu’il permet de laisser des traces avec un livrable que l’on peut télécharger ou enregistrer via une capture d’écran. Je mène aussi des interviews de facilitateurs qui utilisent le jeu dans leurs animations. Je conçois mon blog comme un lieu ressources utiles pour toutes celles et tous ceux qui veulent mettre du ludique dans leurs pratiques.

J’organise aussi régulièrement des webinaires en collaboration avec le centre de formation “le LAPTOP”. 

Enfin, j’anime un SLACK : la communauté des illuminé·es. On y retrouve 250 personnes désireuses de transmettre leur passion du jeu !

9. Comment concilier ludique et distanciel ?

Je reste persuadée que le jeu exprime toute sa puissance en présentiel. Mais on peut vraiment faire des choses ! Quasiment tous les jeux en présentiel peuvent être adaptés en visio. Seules les interactions « physiques » sont mises à l’écart. Sinon, j’utilise les mêmes jeux. J’ai numérisé  une série de jeux de cartes que je mets à disposition des internautes. Mon conseil pour les animations à distance, penser à créer des sous-groupes en mixant les profils. Et puis, quand cela est possible, ne pas hésiter à se faire aider en déléguant l’aspect technique pour se concentrer sur l’animation.

10. Pour clore cet échange, as-tu des projets à partager ?

J’aimerais un jour créer mes propres jeux. Mais c'est dur de penser la mécaniques, les règles…cela prends du temps. J’aimerais aussi intégrer davantage les enjeux de la RSE en création des modèles de formation spécifiques, avec une approche originale et efficace.

 

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